24/08/2014




IL Y A 70 ANS à GUÉMENÉ
Août 1944 - souvenons-nous...


Le 06 juin 1944, les Alliés débarquent sur les côtes normandes. Jour après jour, ils pénètrent le territoire français envahi par les Allemands et début août, les routes de Bretagne sont ouvertes. Le Morbihan sera libéré, le 4 août pour Pontivy et Guémené-sur-Scorff, le 5 pour le Faouët , Baud et Gourin. Mais la guerre n'est pas terminée pour tout le monde. Lorient est une poche de résistance  allemande et ne sera libéré que début mai 1945.

A Guémené, ce vendredi 4 août, un détachement de  résistants sera très tôt présent pour harceler les allemands qui évacuent la ville.
L'après-midi, les Américains entrent dans la ville libérée. Philomène le Boulch (aujourd'hui 93 ans) témoigne : "J'habitais "le Chemin des Voleurs" face à l'école Ste Anne et je me souviens de l'arrivée des troupes américaines dans une file impressionnante de camions et de jeeps venant de Pontivy".

Mais, à Guémené, août 44 sera le temps de la fête et celui du recueillement mêlés. 

70 années ont passé et nous nous devions de ne pas oublier tous ces événements. Nous vous présentons ci après, avec émotion,  quelques témoignages et photographies que nous avons recueillis auprès de divers contributeurs.


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 " Le chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros-Guirec ? "

Franck Bauer, la voix de la France à la BBC - cliquer sur *

Tel est le message lancé sur les ondes par la BBC le 3 août 1944 à 18h et censé enclencher les opérations de la Libération en Bretagne. Les auditeurs initiés n’y comprennent goutte, ils attendaient :

" Le Manchot n’est pas mort "

Qu’à cela ne tienne, les bataillons de la Résistance ont déjà réagi aux mouvements des troupes allemandes qui opèrent leur repli vers les trois ports bretons, Brest, Lorient et St Nazaire, bases sur lesquelles compte l’état-major allemand pour repousser tout nouveau débarquement des Alliés.
De nombreux coups de mains maquisards harcèlent les colonnes venant des Côtes du Nord. On note de nombreux et violents accrochages dans la région de Pontivy. Le 4 août au matin, ce chef-lieu est évacué. Il en est de même à Guémené, les 150 Allemands prennent la route de Lorient…


Voici le témoignage d’un patriote, Denis Dérout, ayant participé au combat.


Denis Dérout était un jeune Lorientais inscrit au lycée Dupuy de Lôme. Son lycée s’était replié à Guémené après les bombardements de Lorient en 1943 ; il y a vécu les années d’occupation et s’est engagé dans la Résistance locale ainsi que plusieurs autres de ses camarades. Il était présent à Guémené en 1994 à l’occasion du 50è anniversaire de la libération et à Kergoët en Langoëlan pour le 70è anniversaire du drame qui a frappé ce village en 1944.


Sans qu’on sache précisément dater la photo,
on peut retrouver les soldats de cette section ci-dessous:

 autre groupe

L'action des maquisards fut déterminante.
La veille, leur retour dans le bourg de Langoëlan à la suite d'un parachutage, ne passe pas inaperçu alors que les allemands sont toujours présents à Guémené.




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L’arrivée des Américains a laissé un fort souvenir dans la population et aussi quelques images.

Corroborant l’exposé de Denis Dérout, aucun char n’est photographié alors que la plupart des reportages sur l’avancée américaine en France nous ont habitués aux images de liesse avec cet autre véhicule emblématique.


Peut-être la jeep en tête de convoi, devant la pompe à essence du bas de la Grande Rue
(juste plus haut que l’Hôtel des Voyageurs, plus tard Hôtel de Bretagne)




Puis les camions, celui-ci au débouché de la rue de la Laine en bas de la Grande Rue
(aujourd’hui, coude de la rue Joseph Pérès)
Camion type GMC CCKW352 de l'armée américaine




C’est une journée très ensoleillée ;
on remarque sur le sol l’ombre des guirlandes qui pavoisent la ville.

 
Camion GMC du 76ème bataillon médical




rue du Général Brénot ...


véhicule halftrack




et un avion surprise...

Une mésaventure peu banale a pour cadre les prairies du Rullan, près de la Motten.
S’agit-il de l’avion qui a canardé la section FFI revenant de Longueville et tué la vache ? Non, il s'agit d'un avion d'observation qui, en rupture de carburant, dut effectuer un atterrissage d’urgence.

Le bruit se répandit rapidement et nombreux furent les curieux.
Ci-dessus 3 jeunes guémenoises prises en photos avec les soldats américains
de gauche à droite : Hortense le Goff, Joséphine le YaouancLucienne Morice

Cet avion Piper L4 Grasshoper fut dépanné par M. Montmayeur.
  




Les Allemands ont pris la route de Lorient. Les Américains ne risquent pas de les rencontrer.
Leur objectif est Brest comme le montre le document qui suit et ils quittent Guémené pour Gourin.



 Fiche de l'armée américaine montrant son avancée dans notre région
du 3 au 6 août 1944 et non 45 comme il est indiqué.






Pour autant, la colonne ennemie qui roule vers Lorient n'en a pas fini avec les maquisards ce jour du 4 août.
Aux abois après l'attaque des FFI, elle s'en prend à un civil, J.M. Salaün, habitant de Longueville, qui est abattu sauvagement.

Un peu plus loin, du côté de Lignol, une section FTP de la compagnie "la Marseillaise" tente de barrer la route à l'ennemi ; la fusillade dure 3 heures.


 Photo d’un groupe de cette section

Non loin de là, à Poulprio en Persquen, la section locale des FFI arrête un convoi, s'empare d'une camionnette et de plusieurs armes automatiques.
  

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Les maquisards peuvent alors revenir et défilent dans les rues de Guémené 
ici , rue du Général Brénot , près de la Pomme d'Or.


enfin libres...


libres de se montrer

le sourire revenu



 


A Guémené , dans les jours qui suivent le vendredi de la Libération, des manifestations patriotiques ont lieu place Bisson devant le monument aux morts, associant les résistants, les anciens combattants et des personnalités.


  



 une foule considérable...


On entonne "la Marseillaise" et d'autres airs patriotiques
avec l'assistance d'un chanteur ténor lorientais, le Flohic, de dos sur le cliché qui suit





L'après-libération

Guémené reprend le cours d'une vie plus détendue. Comme dans tout le Morbihan, hormis la région de Lorient toujours occupée, l'après-libération s'organise. Le problème de la presse collaborationniste réglé, on met en place un Comité Départemental de Libération selon des règles admises par toutes les parties prenantes des mouvements qui ont animé la Résistance à l'échelon national. Les comités locaux de Libération qui se sont constitués spontanément sont rapidement soumis à la tutelle des pouvoirs centraux.
Le 8 août, l'ancien maire, Eugène Raude, reprend ses fonctions. Ce n'est pas forcément bien vu des résistants, toutes tendances confondues, mais ce sont les prochaines élections municipales qui trancheront ; le premier tour des élections à l'échelon national aura lieu le  29 avril 1945.





  
L’hommage aux martyrs

Guémené libérée rend hommage à ses enfants. On sait que la commune donnera, quelques années plus tard, leur nom à un grand nombre de ses rues. En ce mois d’août sont organisées les obsèques de plusieurs soldats de l’ombre martyrisés.

Le 13 août, sous un grand soleil, et portés par leurs camarades,
les corps de Joseph Le Lardic et de Joseph Pérès traversent Guémené accompagnés d’une foule immense.


Joseph Le Lardic (21 ans) et Joseph Pérès (22 ans)
furent tous deux tués au combat le 27 juin 1944 à St Tugdual.






A ces cérémonies de la Libération
nous nous devons d'associer le souvenir d'Aimé Trebuil (23 ans) et de son frère Francis (18 ans) étudiants, de Jean Martin (23 ans) employé de commerce, de Jean Feuillet (23 ans) étudiant, tous membres de l'Armée secrète avec Emile Mazé (50 ans) professeur de mathématiques. Ils furent arrêtés le 02 mai 1944, horriblement torturés et fusillés à la Citadelle de Port-Louis le 10 juin 1944. 


Sépulture - mai 1945

Le cortège qui conduira Jean Feuillet au cimetière se forme près du Cours Complémentaire…


… tandis que celui des frères Trébuil, Aimé et Francis,
et de Jean Martin remontera la Grande Rue dans une ville bouleversée.





  


Au cimetière, les honneurs militaires leur sont rendus devant une foule innombrable. Les drapeaux des sections de maquisards sont en berne, les cercueils disparaissent sous les fleurs, les soldats se tiennent immobiles au garde à vous tandis qu’éclate la sonnerie.



Un second cliché montre un autre aspect de la cérémonie.

Premier roulement de tambour qui fige les participants.


A noter la présence d'un détachement de fusiliers marins de l'armée britannique venus de Lorient






Hommage à tous ces combattants :
la chanson "l'Affiche rouge" de Louis Aragon
interprétée par Léo Ferré
Pour l'écouter cliquez sur la bande-image ci-dessous

<a href="http://www.aht.li/2446487/01_-_Laffiche_rouge.mp3">Voir le Fichier : <strong>01_-_Laffiche_rouge.mp3</strong></a>

 





La poche de Lorient

Les unités combattantes de la résistance harcèlent les troupes allemandes qui se replient et occupent la région lorientaise. Conformément aux ordres d’Hitler, il reste 26 000 hommes à la disposition du général Fahrmbacher pour tenir la base de Lorient pendant 56 jours. Les Américains délaissent ce front et abandonnent aux FFI la tâche de contenir les Allemands. Cette attitude contraste fortement avec l’empressement mis à rentrer en Bretagne dans une période où les résistants disposaient d’un armement conséquent.  

 
 

En août 44, tandis que Guémené respire, la guerre se déplace. Le 8, la 3ème compagnie du 1er bataillon FTP est engagée du côté de Pluvigner où elle attaque une trentaine de soldats ennemis ; l’un d’eux est tué, 26 autres se rendent. Les opérations de nettoyage se poursuivent dans le secteur jusqu’aux environs du 15 et les coups de main sont nombreux.

A partir du 15 août, on réorganise les bataillons avec pour perspective de les intégrer dans la 19ème Division d’Infanterie en voie de constitution. On recense les effectifs et les 12 000 soldats sont priés de se déterminer par des engagements en bonne et due forme. Les hommes âgés ou chargés de famille sont libérés à partir du 28 août.

Les jeunes ont à choisir entre trois options :
1/ l’engagement pour la libération du Morbihan ; environ 1000 feront ce choix.
2/ l’engagement pour la durée de la guerre, environ 7 500.
3/ l’engagement de carrière, environ 500.

La bataille s’engage dans des conditions bizarres. Roger le Roux écrit : « La plupart des hommes acceptent mal la passivité à laquelle, après l’exaltation des jours de la Libération, les contraignent le manque d’armes et l’insuffisance de leur équipement. » L’arc d’encerclement de la poche de Lorient comprend trois secteurs : nord-ouest, centre, est. Les ex unités FTP participent au front nord-ouest articulé autour de Caudan. Les accrochages se produisent à l’occasion des sorties des Allemands en quête de ravitaillement, ou de combats pour la maîtrise de certains ponts stratégiques. L’ennemi dispose d’une capacité dissuasive en canons qu’il peut déplacer sur le front. Il dispose également d’une vraie liberté en mer que les forces alliées ne semblent pas pressées de lui disputer. De même, l’artillerie et l’aviation alliées interviennent peu. Ceci explique que le siège durera jusqu’à la fin de la guerre ; les Allemands ne se rendront que le 8 mai 1945 à Caudan.



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LA COMPAGNIE POURLETH
 

Nous ne saurions terminer cette évocation sans rappeler la pièce que Christian Perron a consacrée à la résistance et la libération de Guémené. C'était en 1992 et elle était intitulée "Ils avaleront les crêpes dentelles de travers ".





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 Outre le témoignage direct de Denis Dérout, le texte emprunte au livre de Roger Le Roux : « le Morbihan en guerre, 1939-1945 », 6ème édition, Imprimerie de la Manutention, Mayenne, 1990.

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Merci à M. Denis Dérout
Merci aux amis du blog
qui nous ont apporté leurs témoignages 
et fourni des photographies souvent assorties de commentaires.


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Vous détenez des documents et photos ou vous désirez apporter votre témoignage.
Ecrivez-nous à :
guemenesscorff@gmail.com
ou dans commentaires ci-dessous en fin de note



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ADDITIFS

Ci-après quelques photos présentées
annotées pour la plupart
par Denis Dérout



Section guémenoise du 10ème bataillon FFI du Morbihan




















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Si vous avez des précisions à apporter à cet article, nous vous saurions gré de nous l'indiquer.
Si vous relevez des erreurs et inexactitudes,
accordez-nous votre indulgence mais n’hésitez pas à nous adresser vos corrections


4 commentaires:

  1. Chapeau pour ce reportage, les photos . C'est émouvant et un grand merci à ce site.

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  2. Travail de très bon niveau qu'il convient de faire connaître d'autant plus que de nombreuses personnes ont perdues leur vie dans notre canton dans d'épouvantables circonstances . Nous nous devons de transmettre pour les générations futures ce témoignage essentiel de notre histoire afin que jamais plus de telles tragédies ne se reproduisent.

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  3. formidable ce travail pour cette petite ville marquant ce passage exceptionnel des américains et surtout l'action des résistants ffi ou ftp sans lesquels, au détriment des courageux et malheureux disparus dont on ne parle pas assez, rien n'eut été fait. Il n'y a pas assez de reportages tv sur l'action de ces résistants et sur cette période trouble de l'occupation... un peu trop à mon goùt sur la libération . On devra malheureusement attendre les années pilotes type 1924 pour parler de ce conflit et l'on aura alors complétement oublié la guerre de 14. Tenant compte de la multitude des conflits actuels dus à la sottise des politiques , comme en 14 et 39, il est important aujourd'hui de se mobiliser dès maintenant pour éviter le pire , mais j'en doute avec les technologies actuelles qui nivellent les esprits. L'esprit indépendant n'a plus place à mon avis. Je félicite ce site de montrer cette histoire locale dont devraient s'inspirer beaucoup de villes et villages de notre pays.

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  4. A peine clos, l’épisode devrait déjà être repris. Tel correspondant nous rappelle un événement qui s’est produit le 4 août, jour de la Libération de Guémené : le mitraillage par un avion américain de 4 cars Raujouan stationnés dans le bas de la ville route de St Caradec Trégomel ; interrogeant autour de nous, le fait y trouve un écho immédiat. Donc, nous reviendrons sur le sujet de la Résistance dans le pays de Guémené et sans attendre 1924.
    Pour en situer la portée, juste deux rappels tirés de l’ouvrage de Roger Leroux : 1) le 21 5 44, réunion à Bocneuf : création de 5 secteurs FFI dans le Morbihan, Vannes, Auray, Ploërmel, Pontivy et Guémené (donc 1/5) ; 2) Sur les 12 bataillons réguliers du Morbihan formés au sortir de la clandestinité, 2 sont ex FFI, région Pontivy-Cléguérec, région Guémené – Gourin – Le Faouët (commandant Le Coutaller) ; 4 sont ex FTP, région Locminé-St Jean Brévelay, région Baud-Pontivy, région de Plouay (commandant Chalmet), région Pontivy – Gourin – Guémené – Le Faouët, commandant Carrion Roque ; (donc, au total 1/6).
    Pour la guerre de 14-18, nous avons déjà laissé passer le terrible mois d’août 14. Nous espérons réunir des documents et témoignages locaux qui pourront éclairer les misères du temps sans nous en tenir au simple rappel des morts.

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